Quartier partagé

Ce projet a été réalisé sur la sollicitation de l’association RIHEB au Creusot (71), structure basée au cœur du quartier d’Harfleur, situé en QPV (quartier prioritaire). De cette association, le collectif « Cité d’Elles », composé de femmes du quartier a vu le jour, avec la volonté de redynamiser le quartier.  Il m’a été demandé (comme à d’autres artistes) de porter un projet photographique qui restait à inventer, …

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Avoir pour objectif la dynamisation d’un quartier, cela sous-entend qu’il ne l’est pas (ou plus, ou pas assez) et qu’il y a la volonté de changer cela. Je me suis interrogée sur l’histoire de ces  espaces de vie et dans ce cas précis, à l’évolution des modalités de vie collective en habitat collectif, depuis leur création sur notre territoire.  Le quartier d’Harfleur, comme tant d’autres, a subi de nombreux changements, depuis sa construction, dans les années 70, notamment avec la démolition progressive d’immeubles et  la disparition du centre social et des commerces de proximité. Je pressentais par avance, que la majorité des personnes que j’allais rencontrer me dirait ; « C’était mieux avant! ». Pas besoin d’avoir vécu en cité pour pressentir des changements de comportement sur la question du « vivre-ensemble », entre les années 58, avec la création des zones à urbaniser en priorité (ZUP) et aujourd’hui. On ne peut pas ignorer non plus, l’impact de l’arrivée massive de travailleurs immigrés en France dans les années 60, qui a fortement contribué à modifier la perception de ces quartiers de transit. 

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Femmes du collectif « Cité d’Elles »

Le monde nous interroge : il entre par nos fenêtres, par la lucarne de nos télévisions, de nos ordinateurs et téléphones. Nous sentons sa présence à chaque minute. Est-ce à dire que nous sommes-nous tous voisins sur terre au 21ème siècle ? En un sens, oui, puisque cette notion de proximité dépend de ce que l’on entend par espace. Et l’espace, à l’échelle de la terre, s’est considérablement réduit, même si ce n’est que virtuellement… Le travers de ces nouveaux modes de communication, nous le connaissons tous;   dans nos campagnes, dans nos villes, en Occident, les portes se ferment. En est-il de même sur un quartier « partagé », composé de grands ensembles d’habitats collectifs  ? La communication se fait-elle seulement laconiquement, à la faveur d’un voyage dans le même ascenseur ? La question de l’échange, du partage, de la solidarité a-t-elle résisté aux nouvelles conditions de vie et nouveaux modes relationnels ?

Dans le cadre de ce projet, je suis allée interroger sous forme d’interviews et de photographies, les habitants des quartiers prioritaires du Creusot (Harfleur et le Tennis), sur le souvenir de leur vie dans ces bâtiments, leur vie dans cet espace, la façon de « vivre ensemble » au sein d’un habitat collectif et leur projection vers un autre idéal de vie, s’il y en a un.


martineMe voici en route vers le domicile de Martine ; une maison à la campagne, face au monument aux morts m’a-t-elle donné comme indication. Je suis d’abord reçue par ses deux gros chiens qui m’observent du coin de l’œil, sans aucune agressivité, ce qui me laisse à penser « que l’habit ne fait pas le moine ». C’est une personne souriante qui m’accueille, très coquette, que je soupçonne d’être allée chez le coiffeur le matin même en vue d’être photographiée à son avantage. Elle m’invite à entrer dans sa cuisine, dans un flot de paroles où tous les sujets se mêlent ; ses enfants, ses chiens, son ancienne vie sur le quartier, sa proposition de café. Elle m’avoue enfin, en se riant d’elle-même, qu’elle a mené sa petite enquête pour savoir qui j’étais, avant de me recevoir ; elle n’aurait jamais reçu quelqu’un de totalement inconnu chez elle. Je tente de la rassurer sur l’objet de ma présence, elle m’indique que si je suis chez elle, c’est qu’elle était rassurée avant mon arrivée.

« J’ai vécu sur Harfleur, de 1977 à 1994, entre 17 et 34 ans. Avant, je vivais en ville, aujourd’hui j’habite à la campagne. A 17 ans j’étais déjà maman de mon premier enfant. A l’époque, tout était neuf sur ce quartier ; j’avais un F3 avec tout le confort. Je ne connaissais personne. Le bas des tours et le parc étaient le lieu où les habitants se retrouvaient régulièrement et en particulier les mamans avec leurs enfants. Très rapidement, j’ai fait des connaissances car tout le monde se parlait, c’était naturel. On s’installait sur les bancs et on échangeait en toute confiance. J’étais une jeune maman mais personne ne me jugeait. J’étais déjà une battante et tous me respectaient pour les efforts fournis pour m’en sortir. J’ai appris à cuisiner avec les femmes du quartier ; elles m’ont transmis beaucoup de choses. On partageait tout et quelles que soient nos origines.

Aujourd’hui, il y a plus de racisme. Nous sommes dans une société de « paraître » où chacun se bat au quotidien, au mépris des valeurs essentielles, pour obtenir toujours plus et toujours mieux. On vivait mieux avant, parce que nos besoins se réduisaient à des choses simples et utiles. Plus personne ne tend la main à autrui aujourd’hui. Je me souviens quand j’ai trouvé du travail, j’ai trouvé très vite quelqu’un du voisinage pour me garder mes enfants. Aujourd’hui tu demandes à quelqu’un ce type de service, il faut le rémunérer. Tout se monnaye maintenant. La valeur marchande est ce qui prévaut dans la relation avec l’autre. J’avoue que moi-même je me suis habituée au superflu. Nous sommes tous tombés dans ce piège de la consommation. Même la valeur du travail a changé. Hier, il y avait du sens, nous étions fiers de travailler pour une entreprise, de contribuer à son évolution. D’ailleurs on disait : « Un homme qui ne travaille pas, n’est pas un homme ! » ; c’était un véritable déshonneur de ne pas avoir d’emploi. Aujourd’hui, la seule valeur d’un emploi, c’est celle du montant de la fiche de paye. On ne pense plus tellement à soi, on ne sait plus se poser, faire le vide. Nous vivons tous à cent à l’heure.

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A l’heure actuelle je suis propriétaire d’une maison à la campagne. Avec mes voisins, c’est « bonjour », « bonsoir ». Je ne côtoie personne. Les relations de voisinage ne me manque pas. De toute façon, je n’aurais plus le temps d’entretenir ces rapports de voisinage. Je suis très active ; je travaille, je fais du sport et je consacre mon temps disponible à mes enfants, mes belles-filles et mes petits-enfants que j’adore. Je suis très entourée, je ne me sens jamais seule.

Les habitats collectifs sont une bonne chose, à condition de mixer les populations de niveaux sociaux-professionnels et origines différents. Les HLM ne devraient pas non plus faire plus de deux à trois étages pour renforcer les liens et humaniser ces grands ensembles. Je pense qu’il n’y a pas plus de délinquance aujourd’hui; on en parle davantage surtout. C’est vrai que je suis

plus méfiante qu’avant, j’ai moins confiance. Il faut montrer « patte blanche » avant de rentrer chez moi. Globalement, je dirais que je suis pessimiste quant à l’avenir de mes enfants et petits-enfants ; la société s’est durcie et il y a moins de travail. Le savoir-vivre ensemble a disparu, au profit du « chacun pour soi ». Il faudrait se bousculer un peu, pour aller vers les autres, faire des efforts, … »

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Vanessa m’accueille en toute simplicité ; pantoufles aux pieds et balais en main, chaises encore retournées sur la table, jouets sur le buffet et les étagères de la cuisine. Elle m’invite à entrer et me quitte en s’excusant, car elle vient de coucher les enfants pour la sieste et elle les entend babiller. Elle revient, me grondant avec bienveillance, d’être restée plantée au milieu de la cuisine, au lieu d’avoir pris l’initiative de m’asseoir. Vanessa a du mal à se poser ; elle s’agite dans tous les sens, à la recherche de son portable, pour faire couler un café, finir de balayer, passer un coup d’éponge sur la table. Vanessa est une femme au foyer active comme beaucoup et dont la tâche est toujours admise comme étant naturelle par le plus grand nombre. Les enfants babillent toujours ; elle craint que nous ne soyons dérangées pendant l’entretien. Elle appelle une voisine pour qu’elle veille sur les enfants jusqu’à ce qu’ils s’endorment. Elle m’indique avoir fait l’effort de se maquiller un peu, me demande si cela conviendra pour la photo. Nous pouvons commencer notre échange.

« J’ai vécu au Tennis de ma naissance, jusqu’à mon mariage en 2008. Vivre dans un quartier est une super expérience. Il y avait toujours un copain à retrouver au pied des tours et le quartier était un terrain de jeu incroyable. Adolescents, il nous arrivait de passer des nuits blanches dehors ; on disait qu’on allait dormir chez une copine ou un copain et on se retrouvait tous, pour passer la nuit à rire et à discuter. Ça nous arrivait de nous crêper le chignon, mais ça ne durait jamais bien longtemps.

J’ai vécu un temps, dans une maison à la Marolles, mais ça n’a pas duré. La vie de quartier me manquait et je voyais mon fils de 8 ans s’ennuyer ; il n’avait pas de copain et passait ses loisirs sur la tablette. On n’apprend pas la vie sur un écran. Alors on a déménagé pour retourner sur Harfleur. Aujourd’hui le quartier est triste. Les jeunes se regroupent encore au City-stade, mais c’est pour boire plus que de raison.

Je pense que la première responsabilité de ce changement vient des familles. Les enfants sont mis dehors, sans être accompagnés, jusqu’à point d’heure. Ce n’est pas normal. La plupart des parents a démissionné. Ils rentrent du boulot, ils sont crevés et n’ont plus de temps, ni d’énergie, pour s’occuper de leurs enfants. Ce n’est pas de leur faute, c’est la société qui nous impose ce rythme de fous. La société de consommation a tout pourri ! Si j’avais le choix, je préférerais vivre dans « la petite maison de la prairie, avec une poupée de chiffon ». Nous sommes tous touchés par l’envie de « posséder ». On pourrait dire que les parents sont « tous responsables, mais pas coupables ».

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Il y a un gros travail à faire sur soi pour se remettre en question et lutter contre ce que nous impose insidieusement notre modèle de société. A l’époque, les enfants et les jeunes respectaient l’autorité. Je le constate chaque jour avec mon fils, pourtant bien élevé ; il repousse les limites de l’éducation que je lui donne, bien plus loin que je n’aurais osé le faire avec mes parents. Hier notre film emblématique sur le quartier c’était « La haine », aujourd’hui c’est « Scarface ». Les jeunes ont besoin de s’identifier à une image de violence. Ils sont toujours insatisfaits, dans une frustration permanente par rapport à la consommation. Ils sont davantage dans le paraître. Les adultes sont submergés. L’accès libre aux informations bouffe l’éducation. Les médias créent une société anxiogène. Nous sommes manipulés. J’ai arrêté de regarder l’actualité pour aller la chercher moi-même. Ça me permet de faire le tri et de me forger ma propre opinion.

J’instaure des valeurs à mes enfants, mais à l’extérieur, ces valeurs le desservent car elles ne rentrent pas dans les codes de conduite entre enfants. L’adulte a baissé les bras. Il n’y a pas de mauvais parents, mais c’est la société qui vient en permanence contrecarrer l’éducation qu’on donne à nos enfants. Nous sommes en permanence dans l’image. On révèle les défauts, mais pas les qualités.

De mon côté, je ne me plains pas de ma vie. Je garde espoir quant à l’avenir car je sais que la vie est ponctuée de mauvais, mais aussi de bons moments. Nous devons arrêter de généraliser, porter un regard plus positif sur nous-même, ne pas tout mélanger. Tout est assimilé à une forme d’agression. Il faut apprendre à temporiser, à mieux se comprendre, se rencontrer dans une relation plus simple et plus authentique. S’accepter aussi, tel que l’on est, ne pas se laisser dicter sa conduite par les autres, se respecter avec ses limites, ne pas avoir peur du ridicule, toujours faire confiance au premier abord.

J’aime parler avec les gens, avec des inconnus ; ça m’enrichit. Les gens ne s’aiment plus, ils se fatiguent à faire semblant, ont peur de ne pas être reconnu. Si tu ne prends pas les choses du bon côté, tu t’effondres. Je me souviens avoir écrit un journal intime plus jeune et je peux dire que globalement j’ai réalisé mes rêves. »

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Nurten m’entend arriver et sort sur le pas de sa porte, avant que je ne l’atteigne. Souriante, j’ai le sentiment d’un embarras chez elle. A peine entrée, elle me révèle que c’est la première fois qu’elle participe à un projet d’exposition et que c’est un petit défi pour elle. Après s’être éclipsée pour me servir un café, elle s’installe et répond à mes questions avec parcimonie. Je la rassure, prends le temps d’instaurer un rapport de confiance en lui parlant aussi de moi, de ma propre expérience dans un quartier. Elle se délivre enfin et m’offre chacune de ses pensées comme un cadeau qu’elle me ferait, mais qu’elle se ferait aussi à elle-même.

« J’ai vécu sur Harfleur de ma naissance, en 1978, jusqu’à mes 21 ans en 1999. C’était une promotion d’habiter ce quartier, car les immeubles étaient neufs et il y avait tout le confort. Il y avait beaucoup d’enfants sur le quartier, j’étais un peu garçon manqué. Ma mère nous laissait jouer dehors mais toujours sous la surveillance des aînés (nous étions cinq enfants dans la famille). Je me souviens de nos jeux ; nous grimpions aux arbres, faisions du tourniquet – ils étaient rouge et orange – nous cueillions des fleurs pour en faire du parfum, ramassions des mûres et des trèfles à quatre feuilles, on se roulait dans l’herbe, on jouait sur le « tape-cul » (balançoire)… Il y avait des chats sauvages sur le quartier, et quand il y avait une nouvelle portée, ça faisait la joie de tous les enfants. Nous habitions au dernier étage de l’immeuble A ; nous avions une vue superbe sur le Montvaltin.

Les grands-mères du quartier jouaient un rôle important ; elles nous sermonnaient quand nous faisions des bêtises, nous récompensaient avec des bonbons, nous racontaient leur vie en nous montrant leurs albums de famille et nous achetaient toujours des billets de tombola vendus par l’école.

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Adolescente, ce fut plus compliqué pour moi. D’origine turque et de confession musulmane je n’avais plus l’autorisation de sortir comme je le souhaitais. Je n’avais pas non plus le droit d’aller au centre social du quartier. C’était plus les garçons qui pouvaient s’y rendre. C’était bien pour eux, car les animateurs les sortaient régulièrement du quartier.

Pour se rendre au collège, nous nous donnions rendez-vous à la cabine téléphonique avec les copains, et on partait tous ensemble jusqu’à l’établissement scolaire. Il y avait facilement 20 à 25 minutes de marche à pied et qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il vente, nous faisions ce parcours chaque jour. Au collège, j’étais plutôt bagarreuse, y compris avec les garçons. Tout le monde avait identifié les jeunes qui habitaient Harfleur. On nous craignait par nos origines étrangères et notre lieu d’habitation. J’avais compris que sortir de ce quartier était une des étapes pour la réussite. A l’époque il n’y avait pas d’internet. On s’appuyait sur le témoignage d’autres jeunes adultes du quartier qui en étaient sortis et qui avaient un métier. C’était des exemples forts pour nous.

Parfois, j’allais à la médiathèque pour faire mes devoirs. Je m’y rendais aussi pour « m’amuser ». Nous avions beaucoup de passage à la maison, mais c’était principalement les personnes de la communauté turque qui nous rendaient visite ; l’esprit communautaire était fort.

Je me souviens que les femmes d’origine maghrébine se réunissaient dehors et discutaient pendant des heures. Les gens se parlaient. Il y avait une bonne entente et de la solidarité. Mes parents sont très attachés à leur culture. Ma mère a insisté pour que ses deux filles fassent des

études pendant que d’autres sont allées au collège jusqu’à 16 ans et ont arrêté. Mes parents n’ont jamais voulu investir dans l’achat d’un bien, car depuis le début, leur objectif était de retourner au pays.

Quand j’étais jeune, j’étais révoltée. C’était difficile pour moi de vivre entre deux cultures si différentes ; la française plus libérale et la turque plus traditionnelle. Aujourd’hui, je suis riche de ces deux cultures mais me sens un peu apatride ou alors citoyenne du monde.

Je ne souhaite pas que mes enfants habitent un jour un quartier. Pour moi c’est une régression sociale. Pour ceux qui n’ont pas d’autres choix, cette situation ne devrait être que transitoire. Je voudrais que mes enfants soient ouverts aux autres cultures, qu’ils ne vivent pas au sein d’une seule communauté, car c’est un repli identitaire qui ne permet pas de s’épanouir et de grandir avec la société actuelle. »

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Je suis toujours étonnée de voir avec quel enthousiasme et bienveillance, je suis accueillie chez toutes ces personnes qui ne me connaissent pas. Fatma ne déroge pas à la règle ; elle m’invite à entrer chez elle, comme si nous étions des familières. Dans la cuisine, un de ses 14 petits-enfants d’une vingtaine d’années se lève pour me serrer la main en souriant, et se rassoit pour replonger sur son écran de téléphone. Fatma m’offre un café et me fixe en souriant. Dès lors que je l’invite à prendre la parole, elle s’agite et me fait part de son expérience sur le quartier d’Harfleur ; elle est en colère ! Tout son être le démontre ; chaque mot est prononcé avec force et conviction, poing fermé, son index vient frapper la toile cirée à intervalles réguliers, son regard noir est sans équivoque. Je lui dis : « J’ai le sentiment que vous avez beaucoup de colère en vous! ». Elle me répond : »C’est grave ce qui se passe ! »

« Je suis arrivée en France à 16 ans. Je devais avoir 32 ans quand je suis arrivée sur Harfleur et j’y ai vécu 28 ans. Il y avait une bonne entente. Tout le monde se mélangeait. Nous étions invités aux fêtes de famille. Il n’y avait aucun racisme. Je passais la plupart de mon temps à m’occuper de mes enfants ; cuisiner, laver le linge, faire le ménage et recommencer sans cesse. C’était mon travail ! On s’invitait entre voisines pour boire le café et on se retrouvait au centre social pour coudre ensemble. Je me souviens, j’avais 17 ans pour mon premier enfant. J’étais la plus jeune à la maternité. Nous étions six par chambre et tout le monde était aux petits soins pour moi. Le docteur Bene s’occupait bien de ses patientes ; il prenait beaucoup de temps pour les consultations et connaissait toute l’histoire familiale de chacune. Cet homme doit être au paradis à cette heure ; il était d’une grande bonté.

Personnellement, je n’ai pas subi de racisme, mais si ça avait été le cas, je ne me serais pas laissé faire. Heureusement, au Creusot, on se sent en sécurité.

Je ne comprends pas ce racisme ! Avec mon mari, nous sommes nés sous l’occupation française en Algérie et nous avons eu la nationalité française d’office. Il y a même des pieds-noirs qui sont restés là-bas. Nous nous entendions bien.

Les politiciens sont responsables de ce qui se passe. Je dirais même qu’ils contribuent volontairement au désordre social, par leurs discours et leurs actes. Ce n’est pas le rôle d’un élu de semer la discorde au sein du peuple. Son rôle est avant tout de veiller à maintenir la paix sociale. Que des gens soient obligés de descendre dans la rue pour manifester pour le respect du port du voile, c’est un scandale. Pourquoi ne pas respecter la religion de chacun ? Avec mon mari, nous avons toujours payé nos dettes et nos impôts. Nos enfants ont grandi dans le respect de la République et ils ont tous réussi dans la vie. Que faut-il de plus ? J’ai 14 petits-enfants et 7 arrière-petits-enfants. Je tiens le même discours que celui que je tenais pour mes enfants ; pas de drogue, pas d’alcool, rester poli, respecter son prochain.

Aujourd’hui encore, malgré mon déménagement, je me soucie de mes voisines. Je prends de leur nouvelle, je leur apporte des gâteaux quand j’en fais, je m’inquiète de leur santé… Tout a changé ; le monde, les gens, les discours, les actes… Je suis heureuse malgré tout, mais que voulez-vous ? Nous sommes des pauvres gens, alors on ne peut que subir ! »

Nous terminons l’entretien. Elle me demande de la suivre dans la pièce d’à côté, et me montre du doigt le nombre incalculable de photos de famille qui recouvrent mobilier et murs du salon. « Vous voyez ? Ma vraie richesse, ce sont eux !

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Munire m’ouvre sa porte sur un large sourire; la rencontre sera chaleureuse, et pleine de bienveillance. En entrant, elle me souffle : »Tout le monde dort encore. Hier soir, nous sommes allés chez des amis et nous sommes rentrés tard! ». La décoration de sa maison, dans les tons pastel, donne de la douceur à l’ambiance du lieu. Sur la table, des gâteaux turcs qu’elle a confectionnés pour moitié. Munire me précise que les autres sont de fabrication artisanale et m’invite à les goûter avec enthousiasme. Lorsque je rappelle l’objet de ma venue, un peu de trac se dessine soudain sur son visage. Puis elle se lance, réinventant les règles d’écriture en ponctuant chacune de ses fins de phrases, d’un sourire enfantin.

« Je suis arrivée sur Harfleur en 1978 ; ma famille faisait partie des premiers locataires sur un quartier tout juste sorti de terre. Je me souviens, l’école c’était des pré-fabriqués. Je suis restée sur le quartier jusqu’à l’âge de 25 ans. Avec les autres enfants ont jouait dans le théâtre de verdure qu’on appelait « le trou ». A l’époque, il y avait un toboggan, une cabane et un mat de pirate. L’hiver on faisait de la luge sur les pentes du parc enneigées. Les espaces de jeux étaient nombreux: le tourniquet rouge, les tape-culs, le tourniquet orange ou le tennis,… Les parents nous laissaient sortir, mais ils n’étaient jamais très loin. On s’appelait par la fenêtre et on se retrouvait en bas des bâtiments. On se connaissait tous.

La générosité et le partage étaient les maîtres mots dans la cité. Ma mère avait toujours une assiette d’un plat du pays ou de gâteaux qu’elle nous demandait d’emmener aux voisins. Je me souviens, nous n’avions pas le téléphone et mon père partait régulièrement en déplacement. Pour prendre des nouvelles et en donner, il appelait chez une voisine algérienne de notre bâtiment qui habitait au 2ème étage qui possédait le précieux équipement. Ses enfants venaient taper à notre porte et ni une ni deux, nous dévalions tous les 2 étages, pour parler avec papa. L’ordre était également établi dans notre immeuble. Je me rappelle d’une vieille dame qui habitait au rez-de-chaussée, c’était un peu le gendarme du pied d’immeuble qui nous rappelait à l’ordre lorsque nous faisions trop de bruit. Quand nous étions surpris en train de faire une grosse bêtise par un voisin, ce dernier nous raccompagnait jusqu’à la porte de nos parents et veillait à ce que nous disions bien la vérité sur nos faits et gestes.

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A la maison, maman était voilée. Dans la cité, nous savions que nous n’avions pas tous la même religion et lorsque nous passions chez les uns, les autres c’était aussi l’occasion de découvrir les fêtes de chacun. Beaucoup de nos voisins étaient catholiques. L’une d’entre elles donnait des cours de catéchisme aux enfants du quartier. Quand nous allions chez elle pour inviter ses enfants à jouer dehors, elle n’avait pas toujours fini son enseignement; on s’asseyait sur le canapé en rang d’oignon et on l’écoutait raconter la vie de Jésus. A Pâques, elle invitait les enfants du quartier à venir peindre les œufs ; on ne connaissait pas le sens de cette tradition, mais cette activité à partager nous plaisait.

Adolescente je ne sortais pas tellement. Quand il nous arrivait de nous retrouver « en bas », on faisait le tour du quartier en papotant. Solitaire, je pouvais aller dehors et me poser quelque part pour lire. Il y avait bien le centre social, mais ça ne m’attirait pas. Je faisais le trajet à pied jusqu’au collège Croix-Menée ; il n’y avait pas de transport scolaire à l’époque. Quand on rentrait le soir, il y avait souvent des jeunes qui squattaient les halls d’entrée; ils étaient là pour discuter. Ils avaient une image négative, ils ne faisaient rien de mal mais ils laissaient des déchets derrière eux. Ce n’était pas des délinquants, mais juste des jeunes avec un comportement d’adolescents.

Avec le temps, alors que j’étais au lycée, l’image de la cité a commencé à se dégrader ; les halls d’entrées et les cages d’escaliers étaient squattés, il y avait de plus en plus de dégradation et un climat pas rassurant parfois. Devant le centre social du quartier, on croisait régulièrement de jeunes adultes; à l’époque nous traversions une crise économique dans le pays ; il y avait plus de chômage, les jeunes ne trouvaient pas de travail et s’ennuyaient, alors ils faisaient des bêtises. Le centre social a fini par être réduit en cendre, les commerces de proximité ont fini par fermer. Je me souviens que vivre sur le quartier donnait une mauvaise image sur un CV. Trouver un emploi était un véritable parcours du combattant.

L’attachement à ce quartier est toujours là ; ce qu’il me reste, ce sont surtout les bons souvenirs. Aujourd’hui il n’y a presque plus personne sur Harfleur. Mais c’est comme ça ! Ça correspond à l’histoire d’une ville, au renouvellement urbain. Avant la naissance de cette cité, il y avait des jardins, puis il y a eu les bâtiments que l’on rase peu à peu. Une mutation qui amène les communautés à bouger, ce qui n’est pas une mauvaise chose non plus.

Sur Harfleur, j’ai vu de la misère, de la délinquance, mais aussi et surtout de belles amitiés qui se sont nourries de tous les petits gestes de solidarité, d’accueil, de partage, … nécessaires au savoir-vivre ensemble. Nos parents ont immigrés en France avec cette culture de la générosité.

Les choses ont changé avec les générations, la société de consommation, la culture des médias et des réseaux sociaux. Malgré tout, je peux dire que dans les petites villes comme Le Creusot, on se sent en sécurité, on fait confiance à l’ordre public. Je suis très heureuse de ma vie actuelle. Les cinq enfants de la deuxième génération ont tous réussi leur vie, … Que demander de plus ? »

Rui

Rui vit chez ses parents. Il m’accueille dans un appartement où tout semble être à sa place ; le sentiment d’entrer dans un espace qui sommeille. L’approche de Rui à mon égard est discrète, bienveillante, douce. Il m’offre tout de suite un café et s’installe avec moi autour de la table de la salle à manger, dans une attitude d’écoute, de disponibilité. Dans un recoin de la pièce, un petit bureau, au-dessus duquel trône un grand poster représentant une équipe de football portugaise. Je lui fais remarquer en supposant que ce sont également ses origines. Il me sourit. Ses mains se rejoignent sur la nappe à carreaux fleurie ; il est prêt à répondre à toutes mes questions.

« J’ai vécu sur Harfleur de 1975 à 1997, de 3 ans à 25 ans. La première chose qui me vient en tête, c’est l’esprit de camaraderie. Avec les copains, on refaisait la coupe du monde de foot. On a fait des bêtises, comme tous les gosses, mais c’était sans conséquence ; sur le chemin de l’école on volait une poignée de cerises dans un jardin, on sonnait aux portes, pour ensuite détaler comme des lapins, … rien de bien méchant. On s’attendait tous en bas des tours, pour aller à l’école ensemble. Enfants, quand c’était l’heure de « L’Isle aux enfants », les mamans criaient « Casimir » aux fenêtres et tous, nous rentrions chez nous, comme une volée de moineaux.

Quand nous sommes devenus adolescents, nous avons pris la mesure d’une autre réalité. A l’époque il y avait SOS Racisme, l’affaire « Malik Oussekine », cet étudiant de 22 ans, tué par des policiers en 86, et puis l’apparition de nouvelles terminologies telles que « Ghetto », « Banlieue », … En tant que jeune d’origine portugaise, je ne me sentais pas directement touché par ces événements, mais nos copains d’origines africaines ou maghrébine, oui ! Et puis il y a eu les premières sorties en boîte, où on interdisait l’entrée à certaines catégories de jeunes. Les problèmes ne venaient pas de l’intérieur du quartier mais de l’extérieur. Harfleur s’est retrouvé stigmatisé, au même titre que les cités des grandes villes de France, alors qu’il n’y avait pas de délits de grande gravité. La consommation de drogue, on n’en parlait pas. Certains adultes prenaient de la colle ou sniffaient de l’eau écarlate.

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A l’époque, il y avait peu de mamans voilées ; c’était marginal. Dans les années 90, j’ai senti un glissement, avec des comportements inhabituels ; les gens commençaient à se montrer du doigt. Dans les quartiers, l’Etat s’est désinvesti, au profit des associations qui ont pris en charge les jeunes en difficulté. Ce fut la porte ouverte à des dérives ; quand l’Etat arrête de jouer son rôle c’est dangereux. Au Creusot, il y avait un centre social, des commerces de proximité qui ont disparu ; les quartiers sont devenus des enclaves, désertés par les instances publiques.

Il y avait des « figures » sur les quartiers. Ils ont contribué à maintenir un lien social fort entre les habitants et la ville. Il s’agissait d’Alain Barrier et Philippe Baalache ; le premier était plutôt « sport » et le second plutôt « culture ». Ces deux animateurs ont fait un travail formidable. Ils prenaient les jeunes sur le quartier et les sortaient pour découvrir d’autres territoires. Je me souviens qu’ils n’hésitaient pas à foutre des coups de pied au cul des jeunes qui faisaient des conneries. C’était accepté par les familles et chacun était respecté. A l’époque, c’est la ville qui venait sur les quartiers et non l’inverse, comme les politiques actuelles le souhaiteraient. Le gouvernement a injecté des fonds pour éteindre les feux sur les territoires les plus en difficulté. Du coup, sur les quartiers plus calmes, il n’y avait pas de budget attribué. Ça déclenchait des surenchères chez les jeunes ; « s’il faut mettre le feu pour obtenir quelque chose, alors allons-y ! »

Et puis, la plupart des habitants sont partis, (ma famille compris) quand on a commencé à détruire certains immeubles. Je croise régulièrement les anciens du quartier et j’ai toujours de très bons rapports avec chacun d’eux. J’ai été surveillant, durant 6 ans, au lycée Léon Blum. Le fait d’avoir vécu sur le quartier d’Harfleur a été un plus pour exercer mon métier ; je connais les codes et les différentes cultures. C’est les mêmes ados qu’à l’époque, mais dans une société différente. J’ai constaté que les garçons et les filles se mélangeaient moins ; elles jouent « les racailles », sont moins féminines, plus vulgaires, elles se bagarrent. C’est la génération des réseaux sociaux et de la télé réalité. Hier, les gens travaillaient pour une seule boîte toute leur vie, aujourd’hui, ils multiplient les petits contrats. Le fait d’afficher son lieu de résidence sur un quartier est encore un frein à l’embauche et encore plus avec un nom à consonance « exotique ».

Je suis mitigé quant à l’avenir ; à force de jouer avec le feu, on va finir par se brûler ! »

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Qui ne connait pas Alain Barrier, dit « Babar » ?

C’est une des habitantes d’Harfleur qui m’a invité à le rencontrer : »il n’a jamais habité le quartier, mais parler d’Harfleur sans évoquer Babar, ton reportage ne serait pas complet ! ». Alain est une figure, un mentor (comme l’a qualifiée une de mes rencontres) sur les quartiers prioritaires. Il a travaillé pour la ville du Creusot à plusieurs titres et a accompagné la commune à s’adapter aux différentes évolutions de la société ; d’abord maître-nageur, puis responsable du premier centre social de la ville sur le quartier, responsable du service jeunesse, avec l’ouverture d’autres espaces d’accueil sur les quartiers les plus sensibles de la commune, responsable du premier service médiation, co-responsable du premier service politique de la ville qui s’intéressait davantage aux problématiques des territoires de la communauté de communes. Autant dire qu’il a été témoin et acteur de beaucoup de changements et d’évolutions sociales/économiques/culturelles/politiques sur le territoire.

« Je n’ai jamais habité de quartiers prioritaires, mais j’y ai passé le plus clair de mon temps. J’étais présent sur Harfleur, Le Tennis, La Molette, Les Riaux, La Charmille. C’est en 1985 que j’ai commencé à travailler sur Harfleur. Le centre social tout récent avait été animé par une équipe qui s’est vu très rapidement débordée ; c’était devenu un squat de jeunes. Sur le terrain, il y avait déjà des partenaires sociaux. Nous avons réalisé une enquête sociale approfondie du quartier et avons mis en place un comité d’usagers. S’en est suivi, l’écriture du tout premier projet social pour la ville, à la demande de la CAF.

En 1985, le quartier était très vivant ; il y avait beaucoup de jeunes et leurs demandes étaient nombreuses, pour répondre à leur oisiveté et leurs difficultés sociales. Il y avait de la petite délinquance, mais rien de grave. Nous étions deux à prendre les choses en main ; il y avait Philippe Baalache (l’intellectuel) et moi-même (le sportif). Nous étions très complémentaires. La qualité de nos relations était d’abord liés à notre capacité à faire preuve d’empathie et à aimer les personnes que nous étions amenés à rencontrer et/ou accompagner. Nous respections chacune d’elles et elles le savaient. Le travail social est avant tout un travail humain. S’occuper de la jeunesse, c’est s’intéresser à l’ensemble de son environnement ; scolarité, famille, santé, loisirs, …

C’était un accompagnement quotidien, y compris hors temps de travail. Je ne portais pas de double casquette ; Alain (ou Babar comme on me surnommait), c’était Alain, point barre. J’étais « moi » ! Il m’arrivait de manger régulièrement chez les familles. Le samedi, j’allais au pied des immeubles et je récupérais, sans autres formalités, quelques gamins pour aller faire de l’escalade en milieu naturel.

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Il m’est arrivé de foutre des coups de pied au cul de certains jeunes qui ne voulaient rien entendre. C’était accepté par les parents ; cela avait du sens. J’agissais comme « un bon père de famille ! », et il n’y avait pas de rancune, c’était vite oublié. J’étais respecté à titre professionnel, mais aussi à titre privé ; j’étais connu pour mes actions dans l’humanitaire et tout le monde savait que j’avais une fille handicapée parce que je l’amenais au Centre social avec moi.

J’ai vécu une période où il y avait beaucoup de moyens distribués sur les quartiers. Quand on a vu que ça produisait des résultats, on a réparti cette même enveloppe budgétaire, avec le même montant, sur les autres quartiers. Les habitants d’Harfleur n’ont pas compris ; ils sont passés du tout à rien (ou presque). Le quartier s’est senti délaissé. Une commune modeste comme le Creusot, essuie toujours les plâtres ce qui se passe au niveau national, telle que la montée du racisme. Les médias, les réseaux sociaux et le Net n’ont pas aidé à faire la part des choses localement, dans les petites villes. Et c’est bien dommage, car si nous sommes surinformés aujourd’hui, nous n’avons pas compris les enjeux du monde. Et la lecture ne doit pas se faire qu’au niveau politique ou économique, mais aussi au niveau culturel, humain.

Aujourd’hui, l’habitat collectif a changé, en passant de la verticalité à l’horizontalité. Ok, c’est formidable ! Mais ce passage ne suffit pas à régler les problèmes ; il est nécessaire d’accompagner les habitants les plus en difficulté. C’est un peu comme installer des panneaux de basket, en pensant qu’on occuperait les jeunes et qu’ils nous foutraient la paix. Erreur ! Les réponses aux enjeux de société ne peuvent pas se limiter aux moyens matériels.

De la même façon, la mixité sociale ne se décrète pas, comme les services publics le souhaiteraient. Elle se vit, elle se construit de l’intérieur, par la rencontre, l’échange et le partage. C’est une démarche avant tout personnelle, une démarche humaine, indispensable au mieux vivre ensemble.

Je quitte Alain, qui partira dans trois jours, pour une mission humanitaire en Afrique, qu’il gère depuis de nombreuses années.  Creusot Bourgogne Solidarité Sahel Nigerselma double copie

Selma m’ouvre la porte avec ce regard et ce sourire francs qu’ont les jeunes filles si pleines d’assurance. Du haut de ses 1,79m et ses 15 ans, rien ne semble l’ébranler. Elle m’invite à rentrer et à m’assoir autour de la table de la salle à manger. Sur le buffet, une palette à maquillage de toutes les couleurs et quelques pinceaux encore poudrés. Dans le canapé, son frère (12 ans) caresse le chat et son amie Océane se lisse les cheveux. Nous échangeons quelques mots tous ensemble, nous rions, … beaucoup ! Selma tourne tout à coup son visage souriant vers moi et me dit : »Qu’est-ce que tu veux savoir ? »

« Je peux dire que je suis née sur le quartier d’Harfleur. Enfin, disons plutôt que quand je suis née, j’habitais déjà le quartier. J’avais 11 ans, quand nous sommes partis avec ma mère et mon petit frère, pour nous installer aux Riaux, un autre quartier du Creusot. Quand j’étais sur le quartier prioritaire je sortais peu ; j’aimais rester chez moi au milieu de mes petites affaires. Je lisais et je regardais la télévision. Et puis il y avait toujours des enfants qui venaient à la maison. Je me souviens que je réclamais toujours des poupées à maman, pour faire comme les autres filles, mais une fois que je les avais, ça ne m’intéressait plus. Ma mère nous emmenait et venais nous récupérer à l’école. J’ai toujours été très sociable et bonne élève. Je m’entendais bien avec les autres enfants.

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J’entendais ma mère parler des actes de délinquance et ça me faisait peur. J’ai eu envie de déménager. Les actes de racisme ont commencé à se faire entendre dans la cour de l’école primaire, au moment des attentats ; « Toi, je t’invite pas à mon anniversaire parce que tu es un bougnoul ! ». De mon côté, je ne peux pas dire que j’ai vécu de racisme, mais plutôt de la discrimination par rapport à mon surpoids. Mais je ne me laisse pas faire. Une fois on a traité ma mère de « Batman » à cause de son Jihab noir. J’avais 8 ans et je rageais de me sentir impuissante.

Plus tard, si je peux, je vivrais dans un quartier ; c’est trop drôle ! Quand il y a une bonne ambiance, c’est fantastique ! J’aime voir la vie autour de moi. Plus tard je serais policière ou plutôt enquêtrice ; tellement de choses à régler dans ce monde ! S’il n’y avait pas autant de violence dans ce monde, j’ouvrirais une boutique de maquillage et de coiffure avec mon amie Océane. J’aime regarder les infos avec mon grand-père ; ça me fait rire. Il prend toujours le soin de me ré-expliquer ce qui se passe dans le monde, alors que j’en ai déjà pris toute la mesure de la gravité. Dans 10 ans, je serai encore là et nos enfants aussi, alors je me sens forcément concernée par ce qui se passe. J’y pense mais ça ne m’empêche pas de vivre ma jeunesse.

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Chez Charazed, c’est un petit vampire qui m’accueille. Aujourd’hui, c’est Halloween et sa fille est fin prête pour une poignée de friandises qu’elle ira glaner chez les voisins, en échange de ses services pour y chasser les mauvais esprits. Charazed m’invite à entrer dans sa cuisine. Après m’avoir présenté sa sœur avec qui elle vit en colocation, tout le monde s’éclipse discrètement pour me laisser seule avec la maîtresse de maison. Revêtue d’un haut « peau de panthère », ses longs cheveux noires qui couvrent ses épaules, Charazed en impose. Je la sens cependant un peu embarrassée. Je lui demande si elle peut m’offrir un café. Elle s’exécute en s’excusant et en riant d’avoir oublié les principes qu’exigent la bienséance quand on reçoit quelqu’un chez soi. Je ris avec elle. Elle se détend. Après quelques banalités échangées, je l’invite à me parler de son expérience en habitat collectif.

« J’ai pour ainsi dire, presque toujours vécu dans les quartiers. J’ai grandi à la SECA, à Torcy, jusqu’à mes 10 ans. Nous étions 11 à la maison, avec mes parents. Je suis allée ensuite vivre au Tennis jusqu’en 2011. Là, suivant ma situation familiale, j’ai déménagé à quatre reprises, toujours au sein du même quartier. Mes motivations étaient financières, mais aussi parce que je m’y sentais bien. Quand j’ai eu ma fille, la nounou était ma voisine de palier ; c’était super pratique. Après le Tennis, j’ai habité deux maisons en ville, pour revenir sur le quartier prioritaire d’Harfleur, quand je me suis mariée, en 2014.

Je me souviens qu’à l’époque de mes jeunes années, les jeux étaient bien différents de ceux d’aujourd’hui ; on jouait aux osselets, au bouchon, aux billes, aux cartes, … Adolescente, j’avais constitué un groupe d’une trentaine de jeunes filles qui avaient entre 13 et 16 ans, et nous allions au centre social de l’Escale, deux fois par semaine, pour y danser et chanter. Nous étions très amateurs. Notre seul plaisir était de nous retrouver pour partager un bon moment ensemble. Tout était simple ; nous n’avions pas besoin de monter une association ou un dossier pour obtenir la mise à disposition d’une salle. Nous allions voir un animateur et nous lui faisions part de notre souhait. Quand la salle était libre, nous pouvions l’occuper. C’était aussi simple que ça ! L’été, nous nous retrouvions en bas des blocs pour danser, sous le regard amusé des habitants. J’ai fait ça de 17 ans à 30 ans ; deux générations ont participé à mes animations. La ville du Creusot m’avait nommée référente du quartier pour faire le lien entre les habitants et l’institution.

Aujourd’hui, quand on vient me solliciter pour un soutien sur un projet associatif du quartier, je suis toujours présente (dossier financier, demandes à la Mairie, organisation d’un évènement…). Je ne peux pas me désintéresser de ce qui se passe dans les quartiers. J’ai besoin de m’impliquer.

En mars 1997, j’ai suivi un stage de danse contemporaine à l’Arc, scène nationale du Creusot. J’avais réuni beaucoup de jeunes pour y participer. Petit à petit, j’ai créé du lien avec cette structure pour finalement me faire embaucher en tant que chargée des relations publiques, alors que j’avais 26 ans. Moi qui n’aimais pas les études, cette intégration fut en quelque sorte une véritable ascension sociale pour la fille de quartier que j’étais. J’ai acquis un certain respect grâce à ça. On se fait beaucoup d’idée préconçues sur les jeunes des quartiers, mais il y en a beaucoup qui ont réussi leur vie. On n’en parle pas, c’est tout !

Travailler quotidiennement dans un milieu culturel m’a fait énormément évoluer ; j’ai pris confiance en moi, j’ai affuté mon esprit critique, j’ai aiguisé ma curiosité, … Aujourd’hui je fais tout ce qui est possible pour inviter les habitants des quartiers à venir au théâtre ou aux concerts organisés par l’Arc. Combien de fois j’ai entendu : « C’est pas pour nous ! », ou encore, « C’est pour les blancs ! », « C’est pour les bourgeois ! »… Aujourd’hui la culture est accessible au plus grand nombre, mais pour que les quartiers populaires sortent de chez eux, il faut les accompagner. Ça commence par l’éducation des enfants. On ne peut pas dire qu’il n’y a rien en termes d’offres socio-culturelle, bien au contraire. Aujourd’hui, il y a tellement de propositions, que les gens sont perdus, ils sont noyés d’informations dont le fond reste abstrait ; difficile de choisir, alors on reste chez soi.

Concernant la drogue, ça existait, mais c’était en « sous-marin » et il y avait peu de dealer. Ça s’est développé avec les nouveaux moyens de communication ; plus facile pour installer et développer un réseau. Ce qu’il manque sur les quartiers est ce qu’on a perdu au fil du temps c’est une police de proximité, des assistances sociales, des petits commerces de proximité, des centres sociaux-culturels… Tout cela existait auparavant ! Aujourd’hui il n’y a plus rien. On a voulu amener les habitants de ces quartiers périphériques au cœur de ville, mais au final, ils n’y vont pas. Il faut arrêter de penser ou de dire que ce qu’il se passe de négatif dans les quartiers c’est de la faute des habitants. Nous sommes tous responsables ; nous avons abandonné ces personnes, dans une société devenue fébrile, qui n’assume pas ses erreurs.

Je quitte Charazed sur ces mots, alors qu’une voisine et ses deux frères entrent, pour passer un moment avec elle.

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Bakhta m’accueille un balai à la main ; « Excuse-moi, les enfants ont fêté Halloween hier soir avec la copine de ma fille et c’est le bazar ». J’entre dans une atmosphère joviale, où tout le monde s’agite avec vivacité pour effacer rapidement les traces d’une soirée agitée. Il y a là, Selma, sa fille de 15 ans, Mohammed-Youcef, son fils de 12 ans et Océane, 15 ans la copine de Selma. Quelques minutes passent, Bakhta me rejoint autour de la table de la salle à manger ; « Voilà ! On peut commencer ! ». Mohammed-Youcef, s’approche de nous : « Je peux vous proposer un café ? ». Il reviendra plus tard avec un plateau d’argent, sur lequel café et petits gâteaux sont présentés.

« Quand je suis venue vivre avec mes parents sur le quartier d’Harfleur, j’avais deux ans. J’y ai vécu jusqu’en 2015, puis je suis partie vivre sur le quartier des Riaux. A l’époque nous étions tous comme une grande famille ; on s’entendait bien avec tous les voisins, quels que soient leurs origines. J’avais beaucoup d’amies ; j’étais un peu la meneuse de la bande, celle qui parlait le plus fort. Nous faisions des bêtises comme tous les enfants, comme aller sonner aux portes des voisins et s’enfuir en riant.

Nous fréquentions beaucoup le CLEA, le centre social qui a été détruit. On aimait rigoler avec les animateurs. Il y avait une bibliothèque mais ce n’était pas pour lire que nous nous y rendions ; c’était pour papoter avec l’animatrice qui la gérait. Je me souviens aussi que je coiffais les filles plus jeunes au bas des bâtiments.

Une anecdote qui m’a marqué ; ma maman qui était gravement malade et devait rester alitée. A la fin du Ramadan, toutes les femmes du quartier venaient à la maison pour faire des gâteaux afin de ne pas laisser notre mère seule chez elle. Elle se couchait sur le canapé et toutes nos voisines cuisinaient autour d’elles en riant. Ça lui faisait du bien ! Quand on voulait parler aux voisins, on tapait sur les radiateurs et on se mettait par la fenêtre pour discuter peu importe le temps qu’il faisait, ça nous évitait de sortir.

En 2004, avec mon ex-mari nous sommes partis vivre dans le quartier des Minguettes à Lyon ; Je ne supportais pas cette cité, parce que c’était trop loin de ma famille et de mes amis. Du coup, nous sommes revenus vivre au Creusot à Harfleur. Une fois maman et divorcée, je me suis beaucoup impliquée pour l’association des parents d’élèves de l’école maternelle d’Harfleur. J’avais des amies, mais nous restions plutôt à la maison, ne nous rencontrant que lorsque nous accompagnions les enfants à l’école. Tout était différent ; c’était chacun chez soi.

J’ai décidé de porter le voile à 22 ans. Ça a été un choc sur le quartier, mais on ne me jugeait pas, c’était toléré, il n’y avait pas de racisme. On était peu en 1994 à porter un voile. Les gens ont commencé à nous agresser depuis les actes de terrorisme. On a tous été mis dans le même panier.

Depuis la démolition des quatre petits bâtiments du quartier, tout a changé. Nous étions plus dispersés. Il y avait moins de convivialité sur le quartier. J’ai quitté Harfleur parce que je trouvais qu’il y avait trop d’agissements irrespectueux ; boîtes aux lettres, poubelles, voitures, … brûlées. J’étais inquiète pour mes enfants. Pas pour moi, mais pour mes enfants seulement. Je souhaitais les éloigner des mauvaises influences.

Aux Riaux, c’est « bonjour, bonsoir et chacun chez soi ». On se rend service mais on ne se fréquente pas. C’est dommage ! Les relations entre voisins me manquent. Mais on ne pourra plus revenir en arrière. Les choses ne changeront pas car plus personne ne s’écoute vraiment. Pour développer une vraie relation, c’est important de s’écouter !

Mais je ne me laisse pas abattre. Mère de deux enfants, je me suis pliée, dans la douleur, à la législation française, en ôtant mon voile pour aller travailler dans le secteur public en tant qu’agent d’entretien. J’ai également trouvé ma voie au travers du théâtre dans lequel je me suis beaucoup investie. J’ai notamment créé une association « Les z’opposés », qui regroupait des femmes de quartiers pour monter des ateliers théâtre. Enfin j’ai participé de nombreuses années aux ateliers organisés par la compagnie Entr’Actes qui montait des spectacles mêlant personnes polyhandicapées et personnes valides.

En bref, je me suis fait une place dans une société composée de personnes qui n’ont jamais voulu m’en laisser une. C’est un combat de chaque jour, mais j’ai la chance de vivre dans une ville qui cultive la tolérance et la bienveillance. Il y a toujours quelques « grincheux », mais ils ne sont pas méchants et ceux-là, je ne leur parle pas. »

Quand je quitte Bakhta, entrent sa soeur Nadia et son fils Brahim, les bras chargés de viennoiseries. Derrière mes pas, résonnent les rires de cette famille réunie un vendredi matin !

La porte d’entrée s’ouvre sur Brahim, petit bonhomme de 5 ans qui m’accueille avec un grand sourire et me fait signe de la direction à prendre, vers le salon. Là, monsieur Sisbane qui trône sur un fauteuil, entouré de sa femme, ses deux filles, ses fils, et ses trois petits-enfants. C’est à grand bruit qu’on m’installe dans le fauteuil situé à côté du patriarche. Cheikh Sisbane a beaucoup de prestance, malgré son grand âge. Il porte sur le visage un sourire qui semble avoir traversé toutes les épreuves de sa vie. Son regard plein de vie a gardé quelque chose de l’enfance ; cet homme inspire la confiance et la bienveillance. L’épouse de Cheikh apporte le thé, ses deux filles tentent d’imposer le silence aux enfants, on m’invite silencieusement à prendre la parole. Monsieur Sisbane y répond, amusé de voir que l’on peut lui accorder un quelconque intérêt.

« Avant d’aller vivre sur le quartier d’Harfleur, j’ai vécu à la cité des Prés. Je suis resté 31 ans dans les tours avec mes huit enfants. J’ai moi-même contribué à la construction du quartier en tant que manœuvre. La cité des Prés devait être démolie et avec un groupe de voisins, nous avons tout mis en œuvre pour être relogés ensemble sur le nouveau quartier d’Harfleur.

Autant dire que nous avons « fait le quartier et ce qu’il était à l’époque » ! Portugais, Algériens, Espagnoles, Italiens, … toutes nationalités confondues, nous étions tous des frères ! La police venait boire le café avec nous. Elle partageait aussi le couscous avec les habitants au moment du Ramadan. On discutait beaucoup entre voisins. Chacun de nous se sentait responsable des enfants des autres. Au moindre écart de conduite on sanctionnait et ça ne posait pas de problème ; c’était accepté pour le bien de la communauté.

À l’époque, il y avait déjà de la drogue mais les jeunes ne consommaient pas en public. Les femmes et les enfants étaient respectés et pouvaient circuler en toute sécurité dans le quartier. On n’avait pas peur.

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Je pense que c’est lorsqu’on a commencé à démolir les quatre petites résidences du quartier que tout a changé. On était plus éparpillé ; la relation s’est diluée dans le temps. C’est quand on a décidé de démolir ma tour que j’ai décidé de changer de quartier. Les enfants ont grandi et j’avais des problèmes de santé. J’ai demandé un pavillon que j’ai obtenu. Quand j’ai quitté Harfleur en 2006, chacun restait chez soi ; c’était devenu un quartier fantôme.

Aujourd’hui je continue à aller naturellement vers une personne qui a besoin d’aide, mais je ne ferais pas entrer un inconnu chez moi. Le voisin s’est fait cambrioler en plein jour et depuis je suis méfiant. Je pense qu’aujourd’hui les gens ont raison d’avoir peur, même si le Creusot n’est pas, selon moi, une ville dangereuse. Pour ce qui est du racisme, ça ne me touche pas ! Si quelqu’un ne m’aime pas, je ne l’aime pas non plus. Chacun fait ou fera sa route, sans jamais se croiser. Un jour je me suis fait agresser par quelqu’un qui m’a crié de sa voiture : « Rentre chez toi ! ». J’ai été tellement surpris, que sur le moment je me suis dit que c’était quelqu’un qui était drogué, qui n’était pas dans son état normal.

En Algérie, où je retourne de temps en temps, c’est pire qu’en France. Il n’y a plus de solidarité et de relations amicales entre voisins. Je suis inquiet pour l’avenir de mes petits-enfants et arrière-petits-enfants. Je leur demande en permanence de bien travailler à l’école, de respecter les autres et de partager avec celui qui a moins que soi.

Aujourd’hui, on a perdu le sens du travail. Les jeunes veulent que leurs poches soient pleines d’argent, sans lever le petit doigt.

Ce n’est pas la vie, ça ! Je ne comprends pas ce monde !

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Je suis accueillie par Miquelina avec toute la simplicité du monde ; elle s’adresse à moi, comme si nous nous connaissions depuis toujours. Seul le vouvoiement m’indique que nous sommes étrangères l’une pour l’autre. Son logement est tiré à quatre épingles et décoré avec goût, dans les tons de rouge et chocolat, dans un style très contemporain. Au-dessus du micro-onde, de grosses lettres métalliques rouges qui nous donne tout de suite le ton des valeurs de notre hôte : « LOVE » Alors que je suis assise, elle s’agite devant la cafetière pour me servir un expresso, dans un flot de paroles ininterrompu où elle me fait part de ses graves problèmes de santé. Reconnue porteuse d’un handicap, depuis sa polyarthrite rhumatoïde, Miquelina, se défend de vouloir « rester debout » en toutes circonstances malgré tout. Femme très active dans le milieu associatif, elle me raconte son expérience dans les habitats collectifs.

« J’ai vécu 15 ans au Tennis, quartier prioritaire, puis 4 ans à Champ Bâtard à Torcy pour venir m’installer depuis 4 ans à Harfleur. Je me souviens des réunions à la maison, avec les femmes du quartier pour boire un café. Chacune de nous surveillait les enfants des autres. J’allais régulièrement récupérer les enfants de mes amies à l’école et il n’était pas rare de me retrouver avec une vingtaine d’enfants à ramener chez eux.

Pas besoin de téléphone dans la cité, on hurlait le nom de ses voisines sur le balcon, pour demander du sucre ou prendre des nouvelles. Il y avait une grande solidarité entre nous. L’été, pendant le ramadan, nous nous retrouvions tous ensemble en bas des tours pour discuter et manger ensemble. Les hommes nous rejoignaient et jouaient aux boules.

Quand je retourne voir celles qui sont restée sur Le Tennis, nous parlons toujours avec nostalgie du passé. Nous nous rappelons entre autres, des fêtes de Noël sur le quartier où tout le monde y allait de sa décoration. Kim, mon mari faisait un feu d’artifice au plus grand bonheur des habitants et surtout des enfants du quartier.

Je ne comprends pas le changement radical aujourd’hui, dans la relation entre voisins. Quand je suis revenue vivre sur Harfleur, j’ai tout de suite voulu recréer l’ambiance du Tennis. Je suis allée voir mes voisines pour discuter et boire le café. J’aime vivre au sein d’un quartier, j’aime la proximité avec les commerçants. J’en ai besoin. Peu importe l’endroit où on habite, le bonheur passe d’abord par le savoir vivre ensemble. Tant qu’il y a du monde autour de moi, il y a de la vie.

Bien entendu il y a toujours des gens malintentionnés, mais ceux-là, je ne leur parle pas. Je reste polie, mais il ne faut pas me provoquer. Concernant la délinquance, il y avait plus d’abus d’alcool que de drogue. À l’époque les flics ne venaient que rarement dans les quartiers. On se prenait la tête entre voisins, mais dès le lendemain c’était oublié. Les enfants jouaient dehors très tard, mais on savait qu’ils étaient en sécurité. Aujourd’hui ce n’est plus possible.

C’était mieux avant ! »

Au cours de notre entretien, quatre personnes sont passées lui rendre visite pour prendre de ses nouvelles. C’est comme ça chez Miquelina, « ça circule » !

5 Comments

  1. Magnifique…. Babar a evoque l’animateur philippe Baalache (paux à son âme) que de beaux souvenirs avec ces deux animateurs……
    c’est toujours un plaisir de croiser Alain (Babar) dans les rues du Creusot et se dire bonjour, j’aime beaucoup cet homme….

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